Ensemble Sweelinck
de Genève


Autour du Dodécacorde
de Claude Le Jeune


Pseaume 138 - Il faut que de tous mes esprits


Mélodie anonyme publiée dans le psautier de 1562
Texte de Clement Marot (1496-1544)

Claude Goudimel (ca.1514-1572)
1564 - Les pseaumes (...) mis en musique à quatre parties
1568 - Les 150 pseaumes de David nouvellement mis en musique

Paschal de l'Estocart (1537-ca.1587)
1583 - 150 pseaumes de David

Claude Le Jeune (ca.1530-1600)
1598 - Dodécacorde

Jan Pieterszoon Sweelinck (1562-1621)
1604 - 50 pseaumes de David

Claude Le Jeune (ca.1530-1600)
1601 - Les 150 pseaumes de David mis en musique



Le Dodécacorde est un recueil de douze psaumes (du psautier genevois) mis en polyphonie par Claude Le Jeune. En 1589,  durant les guerres de religion, Le Jeune dut fuir Paris, avec l'aide du compositeur catholique Jacques Mauduit, qui sauva également le manuscrit du Dodécacorde, menacé de destruction (selon Marin Mersenne, 1637). Claude Le Jeune publia ce recueil en 1598, année de l'Edit de Nantes. Dans sa préface, il évoque à la fois le plan de l'œuvre, construit sur un système de douze modes, et son souhait de contribuer par sa musique à la pacification de son pays.

« Monseigneur, (…) J'ay pensé estre à propos en un temps où tant de discords sont accordez, donner aux François dequoy unir les tons comme les pensees, & les voix aussi bien que les cœurs. Si cette Musique est pesante & grave, j'ay estimé que nous devons estre lassez, & de nos modulations legeres, & de nos legeres mutations. Pleust à Dieu pouvoir par le Mode Dorien esteindre les fureurs, que le Phrigien peut avoir esmeuës, & estre aussi puissant aux effects de mon harmonie, comme Possidonius tesmoigne avoir esté Damon Milezien. Aussi faut-il d'autres mouvements plus energiques, pour esteindre les Phrigiennes fureurs des François : A tels effects ont eu plus de puissance l'heur & la vertu du Roy, que tous les Tons du monde : Sa magnanimité n'a point eu besoin des Modes, desquels Timothee resveilloit le cœur d'Alexandre : Sa patience & probité ont esté naturelles, sans que les mesures Doriennes ayent fomenté ses esprits : Et pour l'advenir, je ne voudroy' pas tant de force à la Musique, comme luy en ont attribué les Anciens : Mesmement je n'oseroy' dire d'elle, ce qu'on dit des Astres, asçavoir, que si elle ne violente, pour le moins elle incline. Je me contenteray de remarquer, que les appetits des peuples, en l'election des Modes & mesures, sont eschantillons certains de l'affection dominante en eux. Et pource que l'affection engendre les effects, ces mesmes marques en sont les presages. J'oseray donques convier mes compagnons, à honorer nostre Musique d'argumens, de Tons, & de Mesures serieuses, pour donner opinion aux plus advisez des nations voisines, que nos legeretez & mutations ont achevé leurs cours : qu'une constante harmonie est establie en nos cœurs, & que la paix qui est appuyee sur nos constances, est une tranquilité de duree, & non pas un nid d'Alcions. Pour toucher un mot du particulier de mon ouvrage, deux raisons m'ont empesché de cotter tous les Modes par leurs noms : Premierement, j'ay voulu fuir l'ostentation des vocables recherchez, puis apres la dissention des Anciens, & leurs diversitez d'opinions sur tels noms, requiert un plus curieux esprit que moy, qui ay mieux aimé estre leur disciple, que leur juge : Je diray en passant, que les diversitez d'opinions sur l'Ionien, s'appointent par la difference du premier Ionien & du dernier, estant le premier loüable, avant le passage des Ioniens en Asie : lesquels depuis ont chanté, comme vescu avec mollesse & lasciveté de mœurs. Quant au Lidien, on l'a departi en Mixolidien, pour appaiser le different d'Olimpe, & de Pindare. Le premier & le plus ancien desquels s'en est servi aux chants funebres, & aux Epicedies : Le second plus nouveau, aux Epithalames. Et pource que ceste matiere meriteroit un traitté à part, que je prendray courage de faire, selon le traitement que recevra des François ce mien premier part, lequel s'en va se jetter à vos pieds, avec asseurance que pour l'amour de son pere, vous l'honorerez tant, Monseigneur, que de luy mettre la main sur la teste, & me tenir à jamais votre tres-humble & tres-obeissant Serviteur, C. Le Jeune.»

  


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